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4 mai 2012 5 04 /05 /mai /2012 14:06

img123.jpgLes commentaires outragés vont bon train depuis l'annonce de l'annulation de loi réprimant le harcèlement sexuel par le Conseil Constitutionnel. Il ne s'agit pourtant pas d'une décision politique ou amorale ! Les sages ont constaté que la loi telle qu'elle était rédigée n'était pas sérieusement applicable, ce que tous les juristes savaient et il invite le législateur à faire correctement son travail: il faut préciser ce qui est blâmable et non condamner sans limite en abandonnant aux juges le soin de fixer selon sa conscience les limites de l'acceptable avec toutes les dérives et incertitudes que cela suppose.

 

Le Conseil Constitutionnel rappelle ce principe élémentaire: le législateur a "l'obligation de fixer lui-même le champ d'application de la loi pénale et de définir les crimes et délits en termes suffisamment clairs et précis". Or, si dans ses premières rédactions, la loi apportait quelques précisions sur la définition du harcèlement sexuel, à force d'amendements et de modifications, le texte se réduisait à cette expression laconique "Le fait de harceler autrui dans le but d'obtenir des faveurs de nature sexuelle est puni d'1 an de prison et de 15.000 € d'amende". Du coup, la question se posait de savoir ce qui relève du "harcèlement" ou pas. Et faute de définition, de nombreux faits qui auraient du être poursuivis ne l'étaient pas et parfois un simple séducteur maladroit mais courtois se retrouvait devoir à se justifier devant les juges. Bref, la tentative de séduction, la drague amusante ou celle un peu lourdingue voire outrancière pouvaient être interprétées en fonction de la moralité du juge ou de son humeur comme relevant ou pas de la loi pénale. Le Conseil Constitutionnel interpellé sur cette difficulté devait trancher cette problématique et en toute logique juridique a déclaré que l'article 222-33 du code pénal était d'évidence contraire à la constitution. Des organisations féministes formulaient cette revendication qui aboutira à ce que les auteurs de tels faits bien évidemment inacceptables puissent être condamnés par les tribunaux.

 

Ce qui étonne et provoque des réactions multiples et variées c'est que le Conseil Constitutionnel a donné à sa décision une application immédiate; ce qui est pourtant logique. Si une loi est anti-constitutionnelle, on ne peut sérieusement accepter qu'elle continue à s'appliquer durant un certain temps. (Je sais dans certaines hypothèses récentes les sages ont fixé un délai afin que la loi puisse être modifiée). Du coup, il est vrai, toutes les personnes inquiétées pour des faits supposés de harcèlement sexuel échappent à toutes poursuites et tous les faits commis jusqu'à ce que le législateur adopte un nouveau texte ne pourront être condamnés. Et comme les parlementaires sont en vacances et que les assemblées ne se réuniront pas avant l'été, on pourrait craindre le retour du droit de cuissage. La faute n'en revient pas cependant aux membres du Conseil Constitutionnel mais aux parlementaires infoutus de concocter une loi compréhensible.

 

Faut-il craindre véritablement un déferlement de harceleurs salaces se jeter sur nos filles et nos compagnes ? Bien sûr que non ! Peu de gens étaient poursuivis du chef de cette infraction mal ficelée qui vient donc de disparaître. Mais les faits d'exhibition sexuelle, d'agression sexuelle, d'atteinte sexuelle, de viol, de harcèlement moral et de violences et autres, sans oublier les tentatives,  sont toujours réprimés par la loi. Le code du travail qui souffre de la même imprécision interdit toujours le harcèlement sexuel au sein de l'entreprise.

 

La décision prise par le Conseil Constitutionnel n'est nullement condamnable et il n'y pas lieu de se scandaliser. Que le droit progresse et ce sera justice !

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