Cela m'a fait un drôle d'effet. Je sirotais paisiblement mon apéro dans un sympathique bistro du Vieux-Lille, oui, le terrain d'enquête des chroniqueurs judiciaires, et j'entends vaguement Radio Nova en fond sonore: "Gilles Pargneaux... cellule de dégrisement". Je commence à ricaner (bêtement) mais mon vis à vis toujours bien informé m'explique "Non, ce n'est pas bigoudi, c'est son fils". "Mais alors on s'en moque !" m'exclamais-je. Je suis même scandalisé. Que le fils d'un élu commette une bêtise, quoi de plus rassurant, à la limite. Mais pourquoi livrer ainsi son nom et sa parenté au public ? Chaque jour, dans les journaux, on annonce l'arrestation d'un "présumé" délinquant sans que son nom ne soit révélé puisque justement présumé innocent jusqu'à son procès. Mais si l'on est le "fils" de quelqu'un de plus ou moins connu, il n'y a plus de déontologie. En quoi l'élu est publiquement responsable des éventuels travers de sa descendance ? De même, en cas ce jeune est-il responsable de son ascendance ? Bref. Mais alors, comment donc "Radio Nova" a t-elle obtenu l'info, me dis-je ? Tout simplement en lisant le site de La Voix du Nord qui sur appel de "Radio Police" a écrit précipitamment sur le coup d'onze heures:
Charles Pargneaux, 22 ans, fils du maire d'Hellemmes Gilles Pargneaux, est actuellement retenu en cellule de dégrisement à Lille.
Le jeune homme a été interpellé cette nuit vers minuit avec un autre garçon par les policiers, soupçonné d'avoir réalisé des tags dans le quartier de Wazemmes. Son père, actuellement à Strasbourg, s'est dit surpris d'apprendre que son fils est suspecté dans une affaire de tags. "Je désapprouve son attitude, il faudra qu'il soit sanctionné et qu'il s'excuse auprès des policiers" (le jeune homme les aurait également insultés lors de l'interpellation). "Je lui demanderai des explications". Le garçon devrait être entendu dans les heures qui viennent après dégrisement, en audition libre. "
Bon, ce genre d'affaire se termine généralement par un petit rappel à la loi ou au pire une contravention Donc, habituellement, on en parle pas dans les journaux. Notons au passage la méthode journalistique classique. On appelle le papa pour recueillir ses impressions et bien évidemment sur le coup de l'émotion, il répond simplement, réprimande son fiston, exprime son désarroi, etc. Du coup, on intègre la réaction de Gillou dans l'article ce qui laisse penser au lecteur que ce dernier a accepté de communiquer publiquement sur ce léger incident qui ne présente en réalité aucun intérêt. Alors que de toute évidence, il aurait souhaité légitimement la plus grande discrétion. On note également que si le petit Pargneaux a été interpellé avec "un autre garçon", aucune information n'est distillée sur l'identité de ce dernier. En plus, il n'est pas rare que des personnes reconnues coupables d'infractions graves préservent leur anonymat dans le journal. Deux poids, deux mesures. Une injustice choquante, donc.